La possibilité d’un défaut français existe bel et bien. Notre talon d’Achille : la dette publique.
La dette publique de la France a atteint 1 986 milliards d’euros à la fin du premier trimestre 2014, en hausse de 45,5 milliards depuis le début de l’année. Elle s’élève à 94 % du PIB contre 64 % en 2006, et franchira le seuil de 100 % du PIB à fin 2015. Elle dépasse désormais l’endettement moyen de la zone euro (92,6% du PIB) qui amorce une lente décrue, accentuant la divergence avec l’Allemagne qui se désendette (77 % du PIB).
La situation financière de la France est d’autant plus critique que la dette publique doit être augmentée des engagements de l’État hors bilan qui sont estimés à 2 500 milliards d’euros, qu’il s’agisse des emprunts garantis (dette ferroviaire de 42 milliards, dette sociale de 200 milliards, dont 22 milliards pour l’assurance-chômage) ou des engagements de retraite de la fonction publique qui représentent 1 400 milliards d’euros.
Trois raisons convergent pour souligner le risque élevé d’un défaut français :
- Sur le plan budgétaire, le déficit public continue à déraper et s’établira autour de 4,1 % du PIB en 2014. D’un côté, le plan d’économie de 50 milliards reste virtuel et masque une nouvelle embardée des dépenses : 30 milliards de baisses de charges et 11 milliards de baisse d’impôts pour les entreprises, 5 milliards pour les ménages modestes, 3,5 milliards au titre de la pénibilité, 700 millions pour les petites retraites, 200 millions pour la revalorisation des pensions d’invalidité et d’accidents du travail et 95 millions pour les intermittents du spectacle. De l’autre, le choc fiscal de 70 milliards depuis 2010 a euthanasié les recettes fiscales, créant 6 milliards de moins-values en 2014 après 15 milliards en 2013.
- Sur le plan financier, les taux d’intérêt sont anormalement bas, avec un record de 1,595 % à dix ans. Ce niveau aberrant des taux résulte de la politique monétaire très expansionniste des banques centrales – y compris la BCE – et de l’afflux des capitaux vers l’Europe créé par le trou d’air des pays émergents et par la surévaluation de l’euro. L’irrationalité de la situation nourrit la nervosité des marchés.
- Sur le plan économique, la croissance potentielle est inférieure à 1 % en raison de l’enfer réglementaire et fiscal français mais surtout du départ massif des entrepreneurs et des dirigeants, des centres de décision et de recherche, des investissements et des emplois. La compétitivité poursuit sa chute alors qu’elle se redresse vivement en Europe du Sud. Enfin, le chômage explose et touche plus de 5 millions de personnes.
La trajectoire de la dette publique française est insoutenable. Elle conduit mécaniquement à un choc financier majeur sur notre pays, qui se propagera de l’État aux banques, aux assurances et aux entreprises. Elle bloque la reprise. Elle prive la politique économique de toute marge de manœuvre. Elle spolie les jeunes générations et contribue à alimenter l’exil des talents. Elle aliène la souveraineté de la nation et discrédite l’influence de la France. Elle place l’Allemagne en situation d’exercer seule le leadership sur le continent. Elle constitue enfin un risque systémique pour la monnaie unique.
La France continue à entretenir l’illusion de la survie d’un modèle de croissance à crédit, fondé sur la dépense publique (57,1 % du PIB) et les transferts sociaux (33 % du PIB). Et ce grâce à une stratégie de passager clandestin de la monnaie unique, adossée à la stratégie très accommodante de la BCE, à la garantie implicite de l’Allemagne et aux réformes de l’Europe du Sud qui renforcent la solidité de la zone euro. Elle est aujourd’hui plus que jamais une exception en Europe.
Pierre Mendès France soulignait que « les comptes en désordre sont la marque des nations qui s’abandonnent ». Le désendettement de la France est la clé de son redressement économique, mais aussi de la solidarité entre les générations et de la souveraineté nationale. Il reste possible de ramener la dette à 75 % du PIB en 2025. Mais il faut agir très vite. Avec deux priorités. La reconstruction d’un appareil de production compétitif dans la mondialisation, ce qui passe par un formidable effort de baisse du coût du travail et du capital, d’investissement et d’innovation. La réduction de 100 milliards d’euros des dépenses publiques associée à leur réorientation vers les usages productifs. Les coups de rabot inefficaces doivent laisser la place à une thérapie de choc : resserrement et simplification de l’État ; encadrement des dépenses, des prélèvements et des effectifs des collectivités territoriales ; refondation de la protection sociale ; baisse des effectifs et révision du statut de la fonction publique ; évaluation systématique des interventions publiques. Loin d’encourager la croissance et l’emploi, la dépense et la dette publiques sont aujourd’hui les premiers moteurs de la stagnation, du chômage permanent et de la paupérisation de la France.
(Chronique parue dans Le Figaro du 08 juillet 2014)